On l'oublie trop souvent, mais la promenade ne sert pas seulement à se défouler. Elle est aussi, et surtout, un moment de lecture du monde pour le chien.
Selon une étude menée en 2018 par le Dr. Stefanie Riemer (Université de Berne, Suisse), la stimulation olfactive active des zones cérébrales associées au plaisir et à la régulation émotionnelle. Concrètement, un chien qui peut renifler à son rythme réduit son niveau de stress et développe une meilleure stabilité émotionnelle.
Une balade rapide sans liberté olfactive, c’est comme si on te faisait courir à travers un musée sans pouvoir regarder aucune œuvre.
La forêt est un lieu d’exploration, riche en odeurs, textures et informations sensorielles. Mais si l’on traverse ce territoire en ligne droite, sans pause, le chien passe à côté de l’essentiel.
L’éthologue Marc Bekoff (2007) souligne que le chien, comme les autres canidés, utilise son temps en extérieur pour analyser son environnement, repérer les traces de congénères ou d’animaux sauvages, et ajuster ses comportements sociaux en fonction.
Les arrêts fréquents, les détours, les demi-tours même, ne sont pas de la perte de temps. Ce sont des moments de lecture du territoire — un vrai journal olfactif du jour.
Laisser un chien choisir son rythme, son itinéraire ou les endroits où il veut s’attarder participe activement à son équilibre. La chercheuse Charlotte Duranton (Université Aix-Marseille, 2020) a démontré que les chiens à qui on accorde davantage de contrôle sur leurs activités extérieures présentent moins de comportements stressés ou réactifs.
C’est ce qu’on appelle une promenade de décompression : lente, libre, et sans objectif de performance.
Oui, dans certains cas. Un chien déjà anxieux ou surexcité peut revenir d’une balade rapide encore plus tendu si ses besoins d’exploration, d’autonomie et de régulation émotionnelle n’ont pas été respectés.
Il est même fréquent que certains chiens, habitués à des balades très sportives, développent une sur-stimulation chronique : ils en demandent toujours plus, sans jamais atteindre l’apaisement.
Ce n’est pas la fatigue physique qui apaise un chien, c’est la régulation de ses émotions par l’environnement et la liberté d’action.
Marcher vite, longtemps, c’est bien. Mais marcher lentement, librement et avec le nez au sol, c’est souvent mieux. La promenade idéale n’est pas une question de kilomètres parcourus, mais de temps de qualité passé à explorer, respirer, choisir, s’arrêter, et recommencer.
Si tu veux vraiment offrir un moment de bonheur à ton chien, ralentis. Laisse-le décider. La forêt n’est pas une piste d’entraînement : c’est un monde à décrypter. Et ton chien est un lecteur passionné.
Riemer, S. (2018). Nosework: olfactory enrichment reduces stress indicators in dogs. Applied Animal Behaviour Science.
Bekoff, M. (2007). The Emotional Lives of Animals.
Duranton, C. (2020). Giving dogs more agency: how choice reduces stress in companion animals.